Faites vos contes


La technologie est inséparable des récits et des mythes qui en produisent le sens. C'est ce que rappellait Pierre Musso en juin 2008 lors du séminaire Imagine 2015 de Quimper, en rebondissant sur les pensées de Baudrillard et du sociologue Gilbert Simondon :

« La technique s’associe toujours des fictions. C’est une sorte de religiosité qui se traduit par le culte du réseau ou le culte d’Internet... La technique fait rêver, les objets technologiques font rêver. On ne peut plus se passer de l'ordinateur ou des téléphones mobiles parce que ce sont les derniers biens “sémiophores” de la société de consommation : des biens producteurs de signes, de différenciations, de mimétismes. On se différencie de moins en moins par les vêtements mais encore énormément par les objets technologiques. Jean Baudrillard disait : “L’objet de consommation on le brûle, la consommation est une consumation. On brûle l’objet mais en même temps qu’on le brûle on exalte les signes”. C’est le cas typique du gadget qui ne sert à rien : fonctionnalité nulle mais fictionnalité maximum.

Aujourd’hui nous avons basculé dans une économie de la connaissance où les biens ne sont pas brûlés par la consommation : plus on accumule de connaissance, plus on la diffuse, plus on l’amplifie et plus on en génère. D’autre part l'économie n’est plus pilotée par l'offreur mais par le consommateur, autrement dit, ce qui est central, c'est de capter l'attention. On est dans une économie de l'attention. L’enjeu de la publicité n’est plus simplement de multiplier des spots, mais de capter cette attention. Et pour cela elle cherche à raconter des histoires. »

Mais que se passe-t-il lorsque le créateur des techniques devient dupe de ses propres contes ? Lorsqu'il adhère sans limite à la religiosité de l'Internet, de la puissance, ou de la fonctionnalité ? Si l'avenir est un docufiction, s'il vous plait, laissez-moi choisir mon scénariste...